vendredi, juin 29, 2012

2ième numéro de ''Acción Directa'', le porte-voix du FEL-Chili



Un conflit étudiant et des luttes populaires ont également lieu au Chili.  Des communistes libertaires regroupé-e-s au sein du Frente de Estudiantes Libertarios (FEL) ont produit le second numéro d'un court journal : à lire pour ceux et celles qui peuvent lire l'espagnol :).

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Hyperlien vers le journal :  http://es.scribd.com/doc/98066019/AD-julio

Hyperlien vers le FEL : http://www.fel-chile.org/blog/



jeudi, juin 28, 2012

Anarchisme en Asie de l'Est (1/3) - Isabelo de los Reyes

Le premier texte de trois traduits de l'ouvrage Black Flame!  Une première série portant sur les mouvements anarchistes en Asie de l'Est.

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L'anarchisme et le syndicalisme se répandirent en Asie de l'Est au début du 20ième siècle et atteignirent leur point culminant dans les années 1920. Les premières influences anarchistes et syndicalistes émergèrent dans les Philippines où une présence déterminante fut celle de Isabelo de los Reyes (1864-1938).



Né au sein d'une famille Ilocano pauvre - dont la mère est une poète connue - dans la petite ville côtière de Vigan sur l'île septentrionale de Luzon, De los Reyes est élevé par de riches proches. Il fuit pour étudier à l'Université de Manille et y publie le journal El Ilocano ainsi que plusieurs études anthropologiques. Après la répression qui suivit la révolte philippine manquée de 1896, De los Reyes est emprisonné dans la célèbre prison de Montjuich à Barcelone. Il y découvre, au contact de camarades espagnol-e-s, l'anarchisme. À son retour aux Philippines, il est armé des oeuvres de Darwin, Kropotkine, Malatesta, Marx et Proudhon, et se lance dans le travail syndical. Malgré le fait qu'il soit un petit capitaliste, De los Reyes privilégie les idées et pratiques syndicales espagnoles :

 Ses succès avec les grèves organisées encouragèrent d'autres secteurs à suivre son exemple et le syndicat devint rapidement une fédération décentralisée de type barcelonais - une Union Obrera Democratica (Syndicat ouvrier démocratique) - qui aurait eu les louanges de Tarrida del Maramol, l'anarchiste cubain partisan de l'«anarchisme sans adjectifs». Les autorités américaines assistèrent avec incrédulité et inquiétude à la vague de grèves à grande échelle qui déferla sur Manille et ses alentours. Plusieurs de ses grèves furent des succès parce qu'elles étaient complètement inattendues tant par les capitalistes que par les gestionnaires.

De los Reyes fut éventuellement remplacé au sein du Syndicat ouvrier révolutionnaire par Hermenegildo Cruz. Ce dernier était un travailleur autodidacte influencé par l'anarchisme qui traduisit des oeuvres d'Élisée Reclus en Tagalog. De los Reyes devint pour sa part politicien. Il devint paralysé en 1929 à la suite d'un arrêt cardiaque et mourut en 1938. Le Syndicat ouvrier démocratique s'effondra en 1903, mais son impact fut important : l'organisation était pionnière dans le mouvement syndical philippin et dans la gauche politique plus largement, et inspira les autres courants syndicats d'importances en Asie de l'Est.


Exécution du poète et romancier José Rizal en 1896 par les autorités espagnoles aux Philippines

après un simulacre de procès. On voit au centre les toges noires des prêtres catholiques qui

exercent une influence prépondérante dans les colonies espagnoles.



Extrait tiré de Black Flame (2009 : 167-168).




mardi, juin 26, 2012

Retour vers un féminisme matérialiste





À partir du dernier ouvrage de Roland Pfefferkorn, "Genre et rapports sociaux de sexe", nous proposons ici une façon de lire et de comprendre les multiples dimensions des inégalités persistantes entre hommes et femmes.


Dans "Genre et rapports sociaux de sexe", Roland Pfefferkorn propose une initiation aux concepts utilisés pour aborder les inégalités sociales hommes/femmes. En particulier, son approche met en avant l’apport des travaux issus du féminisme matérialiste. Cela le conduit à mettre en valeur les ambiguïtés de la notion de genre et à montrer les avantages théoriques de l’analyse en termes de rapports sociaux de sexe. Dans l’introduction, l’auteur met en perspective l’histoire de la sociologie en rappelant que ce n’est qu’à partir des années 1970, par l’action des militantes et de chercheuses féministes, que cette discipline est conduite à prendre en compte le fait social de l’inégalité homme/femme.

Rompre avec le naturalisme


Dans un premier chapitre, intitulé « Rompre avec le naturalisme », l’auteur est conduit à mettre en valeur la rupture que constitue l’approche féministe matérialiste par rapport aux perspectives antérieures, avant les années 1970, tournées vers les notions de rôles sociaux. S’inscrivant dans une continuité avec le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, les théorisations de Christine Delphy, inspirées par un usage hétérodoxe de Marx, sont ici fondamentales. L’auteur rappelle comment ont été construits les concepts de « patriarcat », de « mode de production domestique », de « travail domestique » comme catégories autonomes du capitalisme. Néanmoins, elles se heurtent selon lui à certaines limites : « En sous estimant, de notre point de vue, les changements réels qui sont intervenus, même s’ils sont très partiels et parfois difficiles à interpréter, en négligeant l’accroissement des marges d’autonomie des femmes au cours des dernières décennies, Christine Delphy s’interdit de prendre en compte l’historicité et la dynamique du mode de production domestique, elle inscrit sa conceptualisation dans une perspective fondamentalement fixiste » (p. 38).

Ce n’est que dans les approches en termes de division sexuelle du travail et avec le concept de rapports sociaux de sexe que certaines apories sont résolues. Elles permettent ainsi de penser l’exploitation de femmes, de plus en plus nombreuses sur le marché de l’emploi, conjointement dans la sphère domestique et productive.


La notion de genre


Le second chapitre est consacré à l’étude de la notion de genre dont l’auteur met en valeur les ambivalences qui ont pu conduire au large succès de ce terme. Il est possible de souligner par exemple, parmi les analyses qu’il effectue, le contraste entre deux théorisations du genre. Cette notion semble pouvoir se confondre initialement avec celle de sexe social. L’auteur rappelle à ce propos les théorisations de Colette Guillaumin sur la construction de la «classe de sexe des femmes» par le sexage, c’est-à-dire «l’appropriation privée et collective» des femmes. Il montre cependant comment la notion de genre, telle qu’elle est utilisée dans les théories queer, conduit à réduire l’opposition entre féminin et masculin à ses dimensions normatives et aux questions d’identités sexuelles.

C’est ainsi qu’il est conduit, dans le troisième chapitre de son ouvrage, à l’analyse des critiques de cette notion. Il en distingue principalement trois. Tout d’abord, le biais culturaliste et en définitive idéaliste de cette notion dans les théorisations postmodernes, telles que les théories queer, conduit à négliger la base matérielle économique de la construction du genre. La seconde critique porte sur la renaturalisation qui s’effectue sous couvert de la distinction entre sexe biologique et genre comme construction sociale. Dernière dimension, la thèse postmoderne de la pluralité des genres dissout le rapport social de classe qui pourtant apparaît clairement à un niveau macro-sociologique.


Centralité du travail


Le dernier chapitre est ainsi consacré plus spécifiquement aux notions de «division sexuelle du travail» et de «rapports sociaux de sexe». L’auteur rappelle, en s’inspirant de Danièle Kergoat, que la notion de rapport social désigne «une tension qui traverse le champ social et qui érige certains phénomènes sociaux en enjeux autour desquels se constituent des groupes sociaux aux intérêts antagonistes» (p. 96).

Cette notion met en avant le caractère antagonique du social, et ainsi la centralité de la notion de travail. Les rapports sociaux de sexe se construisent à partir de la division sexuelle du travail, mais également du contrôle de la sexualité et de la fonction reproductive des femmes. En outre, Danièle Kergoat a montré comment les rapports sociaux de sexe, de «race» et de classe devraient être analysés dans leur consubstantialité et leur coextensivité les uns avec les autres.

En définitive, les analyses axées sur la conflictualité sociale en termes de rapports sociaux de sexe, par rapport à celle de «domination masculine», permettent de mieux penser l’articulation entre reproduction des rapports de domination et transformation de ces rapports dans le cadre de luttes collectives d’émancipation.

Dans sa conclusion, l’auteur revient sur la distinction entre articulation des rapports sociaux et théories de l’intersectionnalité. Ces dernières, issues du contexte intellectuel étasunien, ont pour conséquence d’accorder, comme les théories queer, une place prépondérante aux dimensions culturelles et identitaires.


Un courant radical oublié


En mettant l’accent sur les théories issues du féminisme matérialiste, l’ouvrage de Roland Pfefferkorn possède le mérite de mettre en lumière tout un courant radical d’analyse des inégalités hommes/ femmes, occulté dans les années 1980 par le différentialisme du french féminism, puis dans les années 1990 par la réception des théories queer et l’analyse bourdieusienne en termes de domination masculine. Pourtant, dans le sillage des analyses du patriarcat par la féministe américaine Kate Millet, auteure de La politique du mâle en 1970, les travaux de théoriciennes telles que Christine Delphy, Nicole-Claude Mathieu, Colette Guillaumin, Monique Wittig, ou encore Danièle Kergoat présentent la spécificité d’appuyer leurs critiques de l’inégalité sociale entre hommes et femmes sur une base économique, mais sans s’y réduire.

En particulier, avec la notion de «sexe social», ces théoriciennes ont montré avant les théories queer comment les identités sexuelles n’étaient que des constructions sociales.

Elles ont ainsi initié une critique de l’hétéronormativité qui ne se réduit pas à une simple critique des normes, mais qui trouve sa base dans une analyse des conditions socio-économiques des catégories sexuelles. Ainsi, oublie-t-on bien souvent que ce n’est pas uniquement du côté de Foucault, mais également de Monique Wittig, que Judith Butler a été chercher l’inspiration de sa théorie de la déconstruction du genre.


Irène
AL Paris Nord-Est

Alternative libertaire, juin 2012, N°218


Via http://www.anarkismo.net/article/23172

lundi, juin 25, 2012

Manifeste pour une démocratie directe

Des camarades du Collectif La Pointe Libertaire ont lancé ce manifeste en ligne et l'on distribué sous forme de pamphlet dans les récentes manifestations. C'est un outils efficace et accessible pour expliquer pourquoi la démocratie directe mise de l'avant par les anarchistes est une nécessité pour réaliser le véritable ''pouvoir au peuple''. À diffuser!

Une version pdf de ce manifeste se trouve ici

Derrière la démocratie représentative se cache une oligarchie.

Que diriez-vous s'il existait un parti politique qui pouvait faire ce qu'il veut au sein d’un pays, alors que 80% des gens n'auraient pas voté pour lui? C'est pourtant exactement la situation du Canada et du Québec en ce moment!

Les députés conservateurs du Canada, despotes élus au pouvoir sans comptes à rendre à personne et ce grâce au système électoral.
Selon Élections Canada, lors des dernières élections fédérales canadiennes tenues le 2 mai 2011, les conservateurs ont obtenu la majorité avec 39,6% des votes. Mais en multipliant ce résultat par le taux de participation lors de ces élections (61,4%), on réalise que les conservateurs n'ont eu le vote que de 24,3% des électeur-trice-s inscrit-e-s. Si on refait le même calcul mais avec l’ensemble de la population canadienne adulte (20 ans et plus) en incluant les gens qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales, on réalise que c’est seulement 21,9% de la population adulte qui a voté pour le parti conservateur. Jean Charest au Québec obtient des résultats à peine plus élevés que ceux de Harper. Ils sont donc non-élus par une écrasante majorité. Pourtant, leurs partis auront légalement le droit de gouverner tout le pays ou la province, de faire passer nombre de lois et de réorienter les fonds publics selon leurs idéologies et intérêts, qui pourtant ne représentent absolument pas la majorité de la population.


Le fait que notre système politique permette qu'une minorité puisse gouverner la grande majorité n’est-il pas contraire à l’idée même de démocratie? C’est que cette démocratie est de type représentatif, c’est-à-dire que l'ensemble de la population n'est pas appelé à se positionner sur les décisions qui l’affectent, son pouvoir décisionnel est plutôt délégué à un-e représentant-e qui, comme son nom l’indique, devrait la représenter. Bien qu’on nous fasse croire que ces gens sont des « experts » connaissant à fond tous les enjeux et étant en mesure de choisir pour nous ce qu’il faut faire, il est tout à fait impossible qu’une personne soit en mesure de représenter les intérêts, les observations et les réflexions de milliers de personnes. En découle une prise de décision orientée par les personnes étant en contact plus rapproché avec les politicien-ne-s ce qui a long terme fait des courtisans une classe de privilégiés. De plus, ils sont élus sur la base d’un programme de parti et d’un nombre de promesses faites durant la période électorale, mais ils ne sont aucunement redevables à la population, car ils ne sont pas tenus de respecter leurs engagements pré-électoraux. Certains peuvent même avoir des agendas cachés. Et même s’ils font le contraire du mandat pour lequel ils ont été élus, on ne peut pas les révoquer.

Il n'y a donc pas de délégation, ni de représentation, ni même de mandat clair, mais plutôt des politicien-ne-s qui s’échangent aux quatre ans le pouvoir de décider de l'aménagement du territoire, de la circulation des ressources, des politiques, des lois, des règles,  des budgets, etc... sans que la majorité  de la population puisse avoir son mot à dire. Il s'agit de fait, d'un type de despotisme de quatre ans qui sera souvent utilisé à des fins personnelles de carrière et pour répondre aux intérêts des groupes de lobbys constitués par les industries et multinationales les plus importantes. Parce que pour devenir premier ministre, il faut de l’argent et que cet argent ne se trouve pas dans les poches des pauvres ou de la classe moyenne; il vient de celles des banques, des grandes industries et de la mafia qui attendent ensuite un retour d’ascenseur. Voilà pourquoi dans un système représentatif, c'est généralement l'oligarchie qui détient le pouvoir.

Une démocratie dans laquelle la très grande majorité de la population n'a pas le pouvoir décisionnel est tout simplement une aberration! C’est un abus du mot démocratie. Pouvoir du peuple, c'est ce qu’il  signifie. Par opposition, l’oligarchie est une forme de gouvernement dirigé par un petit groupe de personnes qui forment une classe dominante, restreinte et privilégiée. Cette dernière définition décrit très bien le type de gouvernance présente au Québec, au Canada et dans la majorité des pays du monde.

Plusieurs personnes croient que le problème provient  du système électoral car il n’est pas proportionnel. Dans un régime proportionnel, un parti recueillant 39,1% des voix exprimées recevrait 39,1% des sièges au parlement. Plusieurs pays d’Europe ont un régime proportionnel, mais la situation est aussi problématique là-bas. Israël est le régime le plus proportionnel au monde, mais ça ne l’empêche pas d’être un des régimes les plus violents au monde, contrôlé par une poignée de dirigeants militaires, politiques et économiques. Le problème, c’est l’abdication de la souveraineté populaire à une minorité, qui devient nécessairement une élite évoluant au-dessus de la société. La manière dont nous exerçons notre droit de vote en ce moment consiste plus à une rémission de notre pouvoir décisionnel qu'à un véritable acte démocratique, puisqu'on le délègue, ce qui nous désengage de la vie politique qui pourtant nous affecte toutes et tous.


La solution: la démocratie directe

Avec la répression du mouvement étudiant ayant fait de nombreux blessés graves dont certains mutilés à vie, avec la loi spéciale, le Plan Nord, les gaz de schiste, la hausse des tarifs et la privatisation des services publics, avec la loi contre le port du masque, l'augmentation des dépenses militaires, et les subventions faites aux multinationales, on voit plus clairement vers où l'oligarchie capitaliste s’en va. Le capitalisme nécessite une croissance permanente pour fonctionner. À mesure que les ressources s'amenuisent, les groupes d'intérêts au pouvoir cherchent des nouvelles sources de fonds et pour ce faire, ils investissent de moins en moins d'argent – provenant de nos impôts - dans les services publics ou les privatisent pour créer de nouveaux marchés. Pour que la croissance continue, ils concentrent les richesses, ce qui a comme conséquence de faire grandir les inégalités. Cela provoque de grandes injustices qui amènent un mécontentement social pouvant générer de grands mouvements de rébellion. Pour garder leur position, les pouvoirs ont donc de plus en plus recours à la force. Ainsi plus le capitalisme avance, plus la répression augmente et plus la violence de l'État devient brutale et extrême envers ses opposant-e-s.  C'est ce qui se passe dans plusieurs pays en Occident en ce moment. Ce modèle de civilisation est profondément destructif, injuste et violent. Il a démontré sa faillite générale à répondre au bien-être du vivant en général. Nous avons donc le devoir de le renverser.

Les mouvements sociaux sont des milieux où la démocratie directe peut être pratiquée de manière à rendre plus démocratiques et combatives les organisations qui mènent les luttes populaires.
Face à ce constat, nous ne pouvons penser l'actuelle grève sociale comme une simple lutte pour le retour à de meilleurs services, l'abolition de quelques lois antidémocratique et l'arrivée d'un nouveau parti politique plus juste. Notre rôle est de reprendre la société en main. Nous devons repenser en profondeur l'organisation politique et économique en démocratisant la société afin de remettre le bien commun à l’ordre du jour. Pour que la société soit réellement démocratique, l'égalité économique doit être généralisée afin que chacun-e soit en mesure de se prononcer sur l’ensemble des décisions qui l’affecte sans être museler par la subordination économique. La solution pour sortir de la crise actuelle, c’est la démocratie, la seule, la vraie : la démocratie directe – ou autogestion – dans laquelle les citoyen-ne-s exercent directement le pouvoir. Nous devons reconstruire les assemblées générales, les conseils populaires, les budgets participatifs, les coopératives autogérées et utiliser les référendums pour que notre société s'oriente elle-même depuis la base de la population et dans l'horizontalité.

Tout doit être démocratisé : économie, éducation,  politique,  médias, famille, travail, arts, et sciences, sans quoi les démocraties limitées à certaines de ces institutions seront condamnées à demeurer fausses, comme la nôtre en ce moment.  Naturellement discuter et participer à la vie publique prend du temps, mais travaillerions-nous autant, sans conciliation avec nos besoins familiaux ou autres, si les objectifs économiques étaient fixés démocratiquement plutôt que par une poignée de banquiers et de patrons, des « profiteurs » au sens le plus propre du terme? Dans une société démocratique, l’objectif de la vie économique ne sera vraisemblablement pas l’accumulation sans fin de profits, mais bien la satisfaction des besoins humains de manière écologique. Serons-nous si pressés que nous n’aurons pas le temps de discuter? Le temps et la lenteur sont aussi des besoins.

On veut nous faire croire que la démocratie directe est un projet utopique, que ce n’est pas réalisable. Pourtant, elle a déjà existé et fonctionné à de nombreuses reprises et sur de longues périodes de l’histoire de l’humanité. Le secret d’une démocratie fonctionnelle, c’est la décentralisation. Il ne s’agit pas de démembrer ou de diviser la société, simplement de ramener chaque décision au palier le plus bas possible de délibération, celui qui couvre toutes les personnes concernées, mais sans plus. C’est le principe de la fédération. En décentralisant les petites décisions du quotidien, on libère du temps et des énergies pour les grands débats de fond, ceux qui prennent du temps, et qui sont souvent les plus importants.

La démocratie directe n’est pas une utopie irréalisable, c’est un projet qui nous appartient et qu’on peut commencer à construire dès aujourd’hui. Il est nécessaire d'organiser une grande réflexion collective sur les moyens que nous pouvons prendre pour instaurer la démocratie directe dans notre société, et sur les avantages et les défis qu’elle représente. Passons directement à l’action en organisant des assemblées populaires permanentes dans nos milieux de vie et de travail, dans nos quartiers, villages, régions, pays, afin de reconstruire le pouvoir populaire et reprendre en main notre destin par la mise en commun de nos forces, réflexions et ressources!

Notre avenir est entre nos mains, pas dans celles du patronat, des banques et du parlement! Ensemble, destituons les oligarchies! Construisons la démocratie directe!

Vive la démocratie directe! Vive la liberté!

Par Nicolas Van Caloen, Pascal Lebrun et Geneviève Lambert-Pilotte

Ces idées ne nous appartiennent pas, parce qu’aucune idée ne peut être la propriété de qui ou de quoi que ce soit. Ajoutez vos noms! Le manifeste appartient à quiconque l’endosse!

dimanche, juin 24, 2012

Voir du pays natal jusqu'à loucher

Chanson écrite il y a encore plus longtemps dédiée à tous les imbéciles qui sont nés quelque part.

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C'est vrai qu'ils sont plaisants tous ces petits villages
Tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités
Avec leurs châteaux forts, leurs églises, leurs plages
Ils n'ont qu'un seul point faible et c'est être habités
Et c'est être habités par des gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part

Maudits soient ces enfants de leur mère patrie
Empalés une fois pour toutes sur leur clocher
Qui vous montrent leurs tours leurs musées leur mairie
Vous font voir du pays natal jusqu'à loucher
Qu'ils sortent de Paris ou de Rome ou de Sète
Ou du diable vauvert ou bien de Zanzibar
Ou même de Montcuq il s'en flattent mazette
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part

Le sable dans lequel douillettes leurs autruches
Enfouissent la tête on trouve pas plus fin
Quand à l'air qu'ils emploient pour gonfler leurs baudruches
Leurs bulles de savon c'est du souffle divin
Et petit à petit les voilà qui se montent
Le cou jusqu'à penser que le crottin fait par
Leurs chevaux même en bois rend jaloux tout le monde
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part

C'est pas un lieu commun celui de leur connaissance
Ils plaignent de tout cœur les petits malchanceux
Les petits maladroits qui n'eurent pas la présence
La présence d'esprit de voir le jour chez eux
Quand sonne le tocsin sur leur bonheur précaire
Contre les étrangers tous plus ou moins barbares
Ils sortent de leur trou pour mourir à la guerre
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part

Mon dieu qu'il ferait bon sur la terre des hommes
Si on y rencontrait cette race incongrue
Cette race importune et qui partout foisonne
La race des gens du terroir des gens du cru
Que la vie serait belle en toutes circonstances
Si vous n'aviez tiré du néant tous ces jobards
Preuve peut-être bien de votre inexistence
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part
Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part









Bonne Saint-Jean!

Notes sur la maudite question nationale québécoise


Texte écrit il y a quelque temps sur les libertaires et le nationalisme québécois.

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Depuis maintenant près d’un demi-siècle, la question nationale est au cœur des débats qui agitent la gauche québécoise. S'il y a - et il y aura probablement toujours - des libertaires qui choisissent de prendre position en faveur de l’indépendance du Québec, d’autres positions sont évidemment possibles sans pour autant souhaiter la survie de l’État canadien. Nous faisons le choix de renvoyer dos-à-dos le nationalisme québécois et le nationalisme canadien sans pour autant nier la réalité de l’oppression nationale.
Les francophones ne partagent pas la même histoire que les autres communautés d’origines européennes sur ce continent. À partir de la Conquête, les francophones passent du statut de colonisateurs à celui de colonisés. Il y a eu une oppression nationale des francophones en Amérique du nord. Il y a, c’est indéniable, une volonté historique de nier aux francophones le statut de nation et de les maintenir dans une infériorité socio-économique. Le Canada tel que nous le connaissons a précisément été formé dans le but de faciliter l’assimilation des francophones en les noyant dans un ensemble politique majoritairement anglophone. En ce sens, le Canada est bel et bien « une prison des peuples », une « démocratie coloniale » prête à utiliser tous les moyens pour maintenir son « intégrité territoriale ». Le scandale des commandites et la loi de la clarté sont là pour nous le rappeler. S’il y a toujours des francophones au Québec, c’est qu’il y a eu une résistance au projet d’assimilation des britanniques.
Mais il n’y a pas que cela dans l’histoire du Canada. Ce pays s’est construit grâce à la « pacification » (par la force, il va sans dire) de populations entières, à commencer par les communautés autochtones et métis d’un océan à l’autre, mais aussi de la classe ouvrière, tant francophone, qu’anglophone ou allophone. La version nationaliste de l’histoire du Québec met presque exclusivement l’accent sur la résistance des francophones aux diktats du pouvoir central (ex : l’opposition à la conscription) sans expliquer qu’ailleurs au pays, des hommes et des femmes ont mené les mêmes luttes. Ce silence complice est celui du nationalisme, une grille d’analyse qui confère aux individus (toutes classes sociales confondues) les mêmes intérêts en fonction de caractères linguistiques, raciaux ou territoriaux.
Il y a eu des moments où question sociale et nationale ont fusionné dans une même lutte progressiste de libération, comme lors de l’insurrection des Patriotes de 1837-38 ou dans le mouvement indépendantiste des années 1960-70, mais ces moments sont très rares. L’idéologie nationaliste a surtout permis aux élites canadiennes françaises (puis québécoises) de créer un rapport de force face à la fraction monopoliste de la bourgeoisie canadienne, majoritairement anglophone. D’abord réactionnaire dans sa version ensoutanée, puis « progressiste » lorsqu’elle s’est arrimée aux mouvements populaires, pour ensuite devenir platement néolibérale après quelques années au pouvoir, l’idéologie nationaliste a été en mesure d’adapter son discours pour traverser toutes les époques. Ce n’est malheureusement pas le cas de la gauche.
L'idée voulant que la question nationale soit la clef de voûte du changement social au Québec, que libération nationale et libération sociale soit indissociables et participent d'un même mouvement, date des années 1960. À l'époque, les preuves que les francophones étaient systématiquement dans une position d'infériorité socio-économique chez-eux et par rapport aux anglophones du reste du Canada foisonnaient. Une simple marche à pied d'ouest en est, à Montréal, suffisait pour se rendre à l'évidence de l'oppression. C'est la revue Parti Pris qui, dans un contexte international de décolonisation, a analysé la situation du Québec comme étant une colonie à libérer. Leur programme politique formait un tout et reposait sur trois piliers: laïcité, indépendance et socialisme. Parti Pris pensait régler les questions nationale et sociale dans une même révolution socialiste à saveur anticolonialiste. À partir de là, toute une littérature s'est développée pour analyser le Québec sous le prisme de l'oppression nationale. On a par la suite introduit l'étapisme --c'est-à-dire l'indépendance d'abord, le socialisme ensuite-- et le programme de transition --une série de revendications "justes" devant provoquer une prise de conscience et mener à une rupture avec le capitalisme.
Depuis 30 ans, l'action conjuguée du mouvement syndical et d'un parti souverainiste au pouvoir a permis de corriger les plus grossières manifestations d'oppression nationale. Il n'y a plus d'écart salarial entre les québécoisES et les ontarienNEs travaillant pour une même compagnie. On retrouve maintenant des francophones à tous les échelons et dans tous les domaines économiques. Malgré quelques ratés, le français est maintenant respecté comme langue commune du Québec. De nets progrès ont été réalisés dans tous les domaines sociaux où le Québec accusait un retard par rapport au reste du Canada (jusqu'à faire l'envie de bien des progressistes du ROC...).
Reste la question de l'indépendance politique. Une analyse honnête des mouvements de libération nationale qui ont inspirés les initiateurs de la stratégie de l'indépendance progressiste devrait pourtant souligner qu'ils ont tous échoué. Malgré la prise du pouvoir, malgré l'indépendance formelle, la décolonisation a échoué et il n'y a eu ni réelle libération nationale, ni libération sociale. Le néocolonialisme domine partout, comme hier le colonialisme. Les pays qui avaient échappé un temps à l'orbite impérialiste y reviennent sous les coups de boutoirs de la mondialisation. Ceux et celles qui, à gauche, pensent qu'un Québec souverain pourrait suivre une voie indépendante du néolibéralisme se trompent lourdement. Si des pays comme le Brésil, l'Afrique du sud ou la France ne le peuvent pas, comment un petit État dont les principaux partenaires économiques sont signataires de l'ALENA le pourrait-il?
L'un des aspects centraux de la critique révolutionnaire du nationalisme est qu'il s'agit d'une idéologie essentiellement bourgeoise qui a pour but d'unir deux classes aux intérêts antagonistes dans la compétition contre d'autres nations, tout en donnant le leadership de la lutte politique à une fraction de la classe dominante. C'est exactement ce qui s'est passé et ce qui continue de se passer sous nos yeux au Québec. Il n'y a que dans les pays sans bourgeoisie nationale et sans classe politique professionnelle que des révolutionnaires ont pu prendre la direction de mouvements nationalistes. Or, grâce aux transfuges du Parti libéral du Québec qui ont fondé le Mouvement souveraineté-association puis le Parti Québécois, nous avons maintenant les deux au Québec. Ça fait 30 ans que des révolutionnaires tentent de prendre la direction du "mouvement national québécois" pour lui donner une orientation progressiste. Pourtant, la gauche est encore et toujours la "mouche du coche". Peut-être est-ce parce qu'il est impossible de rompre avec le P.Q. sans rompre avec le nationalisme? Il y aura toujours des Pierre Falardeau et des Pierre Dubuc qui diront qu'il faut appuyer le P.Q. si on est souverainiste parce qu'en dernière analyse le P.Q. est le seul parti capable de faire la souveraineté. Et ils ont raison!
EntraînéEs dans ce mouvement par leurs « élites » religieuses, syndicales et politiques, bien des prolétaires ont consacré leur vie à défendre la seule solution envisageable pour régler « une fois pour toute » ce conflit identitaire: la souveraineté du Québec. Fausse solution à de vrais problèmes, comme celui de l’inégalité sociale, économique et politique qui est le fruit de la domination d’une classe de parasites sur toutes les autres. Car il faut bien le constater, ce sont surtout les politiciens et les chefs d’entreprise qui ont bénéficié en tout premier lieu du nationalisme à la sauce québécoise, pas les classes ouvrières et populaires (entre 1960 et 1990, la propriété des entreprises entre les mains des francophones passe de 15% à 65%).
Pourquoi continuer à parler de la question nationale en 2004 (et en 2012!)? Parce qu’à gauche, l’indépendance, assortie d’un État fort et responsable, est souvent perçue comme une condition sine qua non du progrès social. Parce que dans les mains de la bourgeoisie, le nationalisme est un poison qui alimente la xénophobie, voire le racisme, pour créer des divisions et forger des alliances factices entre la classe dominante et le reste de la population. Le projet « historique » des classes ouvrières et populaires, ce n’est pas le nationalisme, mais le socialisme internationaliste. La réponse à l’inégalité ne viendra jamais d’un État, quel qu’il soit, mais bien d’une ré-appropriation de la richesse collective par celles et ceux qui la produisent.
Tout engagement révolutionnaire digne de ce nom trouve sa source dans une révolte contre toute forme d'injustice, d'oppression et d'exploitation. Partant de ça, il est aisé de comprendre pourquoi presque toute une génération de révolutionnaires ont donné leur appui à la lutte pour l'indépendance du Québec. Partant de la même prémisse, il est tout aussi aisé, pour qui veut bien retirer ses oeillères, de comprendre pourquoi de plus en plus de révolutionnaires, dont nous sommes, ne font plus de l'indépendance du Québec un axe central de leur stratégie.
Nous sommes certes pour la destruction complète de l'État fédéral canadien, qui n'est qu'une fiction politique, et le droit à l'autodétermination de tous les peuples qui en sont prisonniers, mais pourquoi s'arrêter là? Nous sommes également pour la destruction complète, dans un même mouvement, de tous les autres États de la région (à commencer par l'américain). Il reste encore des traces d'oppression nationale, notamment au niveau de la structure économique du Québec (pourquoi avons-nous hérité du textile et l'Ontario de l'auto?), mais il n'y a plus à de quoi fouetter un chat. Par contre, la question sociale reste entière. Or, que vaut le droit à l'autodétermination sans l'égalité économique et sociale? On nous pardonnera de nous concentrer là-dessus.
http://www.causecommune.net/publications/ruptures/4/notes-sur-la-maudite-question-nationale-quebecoise


Manif du samedi soir

Pour ceux et celles qui n'avaient pas eu l'info.
La CLAC appel à la formation d'un contingent anti-capitaliste les samedis soirs du mois de juin, au Parc Emilie-Gamelin, à 20h30. Le prochain est le 30 juin. Ajoutez à votre agenda!